Sujet de société, les violences conjugales procurent un sentiment d’isolement aux personnes qui en sont victimes.
Les dernières évolutions législatives (Décret n° 2020-636 du 27 mai 2020, LOI n°2019-1480 du 28 décembre 2019, etc.) tentent de garantir une protection plus accrue à ceux et celles confrontés à ces faits à l’issue trop souvent dramatique.
L’emprise est un phénomène de domination psychologique. Le but étant pour celui au contrôle de conditionner l’autre à répondre à ses attentes sans aucune considération pour son libre-arbitre ou pour son bien-être.
Les violences peuvent alors être de plusieurs ordres : psychologiques, verbales, physiques, sexuelles, économiques. Il est important de préciser que la notion de conjugalité quant à elle est entendue largement. Sont prises en compte, les violences exercées dans le cadre d’un concubinage, d’un PACS, d’un mariage, passé ou actuel. Les conséquences sur la personne ainsi dominée sont multiples et comprennent l’isolement, la dépression voire le suicide. On comprend au vu de ces conséquences qu’il est difficile pour les victimes sous l’emprise de leur partenaire de demander de l’aide. Il est alors essentiel que ces victimes et leur entourage soient en permanence avisés de la possibilité de bénéficier de prises en charge juridique, sociale et thérapeutique.
Les différents professionnels formés à intervenir (association d’aide aux victimes, structures d’accueil des femmes victimes de violences, avocat etc.) pourront accueillir et conseiller la personne victime de violences conjugales mais également l’aider à anticiper la réaction du conjoint violent une fois sa décision prise de mettre fin au cycle de la violence conjugale. Sur le plan juridique, consulter un avocat s’avère ainsi utile afin de solliciter une protection qui peut être civile, pénale ou administrative.
PROTECTION CIVILE
- Solliciter une ordonnance de protection
- Demander la fixation des mesures liées aux enfants mineurs
- A terme initier une procédure de divorce ou de séparation de corps
L’ordonnance de protection est destinée aux victimes de violences au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation.
Afin de bénéficier de cette ordonnance, la victime doit démontrer qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables les violences et le danger allégués. Sa délivrance n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale préalable mais le rassemblement des preuves est essentiel. Cela passe notamment par la production de certificats médicaux, compte-rendu d’hospitalisation, rapports sociaux rédigés par les associations d’aide aux victimes, attestations de témoins etc.
Il s’agit d’une procédure accélérée. Le juge, saisi par requête, doit statuer dans un délai maximal de 6 jours à compter de la fixation de l’audience. Cette ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales au terme d’une audience non publique peut comprendre plusieurs mesures d’interdiction imposées à l’auteur des violences dont l’interdiction de contact, de porter ou détenir une arme etc.
Le juge peut également statuer sur le retrait de l’autorité parentale sur les enfants mineurs du couple à l’égard du conjoint violent ainsi que sur les modalités d’attribution du logement au conjoint victime […]
A la mesure d’interdiction de contact peut s’ajouter le port par l’auteur et la victime d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que le conjoint violent se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
Le juge aux affaires familiales est également compétent pour proposer une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique du conjoint auteur des violences. Ces mesures sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l’ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.
En outre, en cas de rejet de la demande d’ordonnance de protection, le juge peut renvoyer l’affaire à une date ultérieure afin de statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant.
PROTECTION PENALE
- Préparer le dépôt de plainte
- Rassembler les preuves des faits de violences
- Préparer l’éventuelle confrontation durant l’enquête
- Préparer l’audience correctionnelle à laquelle comparaîtra l’auteur
- Solliciter la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement ou du téléphone grave danger
Sur le plan pénal, la répression des actes commis par l’auteur et sa condamnation éventuelle à une peine d’emprisonnement passe au préalable par un dépôt de plainte.
Le dépôt de plainte peut être fait directement à la gendarmerie / au commissariat de police ou par saisine du Procureur de la République par courrier recommandé avec accusé de réception.
Dès le dépôt de plainte, il est important de rassembler les preuves des violences et des préjudices subis afin de corroborer les faits dénoncés et prévenir le classement sans suite.
Au cours de l’enquête, la victime peut être confrontée à l’auteur des violences conjugales cette étape bien que difficile est essentielle puisqu’elle permettra d’opposer les déclarations de la victime et du conjoint et déterminera bien souvent l’exercice ou non des poursuites.
Dans le cas où la plainte initiale donnerait lieu à poursuites puis à condamnation, plusieurs instruments de protection sont cette fois prévus par le Code de procédure pénale.
Le Bracelet Anti-Rapprochement, est possible dans le cas de la commission d’une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement (ce seuil couvre donc les délits tels que les violences et les menaces) à l’encontre du conjoint y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, à la demande ou avec le consentement exprès de la victime.
Ce dispositif vise à interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire ou condamnée (à un sursis avec mise à l’épreuve, suivi socio judiciaire) de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance fixée par la décision.
Il s’agit d’un bracelet, intégrant un émetteur, permettant à tout moment de déterminer :
° la localisation du conjoint violent sur l’ensemble du territoire national
° si ce conjoint s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également sa localisation.
A ce dispositif vient également s’ajouter le « Téléphone Grave Danger » qui est un dispositif de télé-protection attribué à la victime par le Procureur de la République.
Ce dispositif ne concerne que les cas où il n’existe pas de cohabitation entre la victime et l’auteur. Par ailleurs dans le cadre du téléphone grave danger au moins l’un des critères suivants doit être rempli :
° L’auteur doit faire l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime
° Le danger doit être avéré et imminent lorsque l’auteur des violences est en fuite ou n’a pas encore été interpellé
PROTECTION ADMINISTRATIVE :
- Prévenir le retrait du titre de séjour du conjoint étranger victime de violences
Pour les victimes étrangères, il existe un risque important de dénonciation aux autorités préfectorales, par le conjoint violent, de la rupture de la communauté de vie. Cette rupture de communauté de vie peut avoir une incidence directe sur le droit au séjour de la victime étrangère, dans l’hypothèse où son droit au séjour était associé au statut de conjoint.
La législation relative au séjour prend en considération les cas de violences conjugales, quand celles-ci se sont produites sur le territoire français. Les textes prévoient notamment que l’étranger bénéficiant d’une ordonnance de protection peut se voir délivrer dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » sauf si sa présence sur le territoire constitue une menace à l’ordre public. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. De même, les textes prévoient que le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection est renouvelé.
Mélanie DUBOIS
Avocat inscrit au Barreau de la Guyane